Prendre soin d'une personne en fin de vie confronte le soignant à la mort: celle de celui qu'il entoure de ses soins , mais aussi la sienne.
En effet, la mort est inéluctable et y être confronté dans l'exercice de sa profession peut générer un sentiment d'angoisse et de mal être.
Il est important de s'y être préparé individuellement, mais aussi en équipe pluridisciplinaire, pour accompagner de manière sereine et efficace une personne mourante.
Par exemple, accepter sa propre mort nous permet d'adopter une attitude plus adaptée à la personne en fin de vie, dans le respect de sa dignité et de ses valeurs.
PSYCHOLOGIE DE LA PERSONNE EN FIN DE VIE
Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre américaine, a étudié à partir des années 1960 les différentes étapes psychologiques que traverse une personne mourante, en permettant à des centaines de personnes en fin de vie de s'exprimer.
Grâce à ses rencontres, elle a dénombré des phases psychologiques vécues par les personnes mourantes ou celles ayant subi un accident qui modifie durablement leur vie parce qu'il a engendré un handicap, par exemple.
Savoir les reconnaître permet à l'aide soignant d'adapter ses soins.
Ces étapes sont classées dans l'ordre le plus fréquent de leur apparition.
Etape du mourir
LE CHOC
Etape consécutive à l'annonce de la maladie grave, elle sidère celui ou celle qui en apprend la nouvelle et le met en état de choc, entraînant une anesthésie émotionnelle.
LE DENI OU LA DENEGATION
Le déni est un mécanisme de défense qui consiste pour la personne à se comporter comme si elle n'avait pas intégré l'information qu'on lui a donnée en ce qui concerne son état de santé.
Elle se comporte également comme si elle n'était pas aussi malade qu'elle l'est. À cette période, elle peut négliger son traitement, prendre des risques, se lancer dans des projets irréalistes.
Elle ne supporte pas qu'on tente de la ramener à la réalité.
Il existe une forme de déni total ce qui fait que les personnes semblent tomber d'accord avec ceux qui leur mentent et qui entretiennent le déni, et une forme de déni partiel, par exemple la personne sait et sent qu'elle va mourir, mais elle ne veut rien savoir de la nature de la pathologie en cause.
Le déni existe dans de nombreuses autres circonstances. Il a pour fonction de se protéger face à une réalité qu'on ne peut accepter.
LA COLERE
Au fur et à mesure que son état se dégrade, la personne s'aperçoit que le déni ne sert à rien, elle devient alors très irritable.
Tout peut être une occasion de se mettre en colère contre ceux qui la soignent, contre le monde, contre la vie, contre elle-même et même contre les objets."Pourquoi moi?" "Pourquoi maintenant? ".
La colère est souvent provoquée par un sentiment d'injustice.
Cette irritabilité témoigne d'une grande anxiété.
Souvent, la personne ne se reconnaît pas elle-même. Elle s'en veut d'envoyer promener ceux qui tentent de lui faire du bien.
C'est une étape pénible à supporter pour les soignants, pour les proches… et pour le soigné. Mais il faut se souvenir que pouvoir se mettre en colère est un signe de vitalité. Si la colère ne peut s'exprimer, la personne la retourne contre elle, elle se blesse, elle s'aggrave, elle peut développer une grande anxiété sous forme de culpabilité et/ou de passivité.
Cette colère, signifie aussi : “si je suis en colère, c’est que vous pouvez entendre ma voix, et donc je suis encore en vie !”.
LE MARCHANDAGE
À cette période, la personne est assez épuisée et peu à peu, elle renonce à son agressivité. Elle essaie de trouver un compromis avec ceux dont elle estime qu'ils ont un pouvoir sur sa mort et sur sa vie.
La personne se comporte alors comme si elle tentait de faire valoir qu'elle méritait un
sursis, elle s'efforce à différentes pratiques pour mériter ce sursis, ce qui a fait dire qu'elle "marchandait" avec la vie.
Par exemple, elle peut être tentée de donner tous ses biens à la recherche sur le cancer,l'espoir sous-jacent étant que, ayant fait ce sacrifice, elle mérite d'être sauvée. Ou bien, elle s'efforce de suivre très scrupuleusement ses traitements au point qu'elle est en colère contre l'Infirmière qui arrive 2 minutes en retard pour poser une perfusion.
Le marché que la personne a passé secrètement entre elle et la puissance supérieure qui décide de la vie ou de la mort étant qu'en s'efforçant d'être très scrupuleuse dans les traitements, elle va éviter de mourir.
Ou bien, elle se dit : « je ne peux pas mourir avant… » le mariage de son fils, la communion de son petit fils, qui ont lieu 6 mois après.
Le marchandage peut être mal compris par les proches et par les équipes de soins, car il est peu repérable et prend des formes multiples. Quelques fois, on croit que la personne tente de manipuler, il n'en est rien.
LA DEPRESSION
La dépression est une phase de tristesse intense.
Souvent le patient a des paroles comme "ce n'est pas la peine de ... A quoi bon !!...".
Le malade n’a plus envie de lutter.
Il a tendance à s’isoler, à ne plus vouloir voir personne, à refuser plus ou moins même de parler.
Ses préoccupations sont plus intériorisées et existentielles.
Il se détache de son environnement et se désintéresse du monde extérieur. Il est seul, face à sa souffrance. Il a conscience que mourir n’est pas facile.
Les pertes, les chagrins du passé refont surface. Les pleurs sont à la mesure de l’attachement. Il ne s’agit pas d’une dépression pathologique, mais d’une tristesse légitime et les antidépresseurs sont de peu d’utilité.
L'ACCEPTATION
L’être vivant s’emplit de sérénité et accepte son départ. C’est une période très calme où les échanges humains sont souvent d’une très forte intensité.
La dernière étape est celle du décathexis , elle recouvre les derniers instants du mourant.
Le patient est décontracté et à parfois des hallucinations.
Il est important de laisser la personne mourante avec sa famille ou ses proches qui l'assisteront.
Variations liées à l'âge
L'ordre des étapes du mourir peut varier d'une personne à l'autre, mais il existe également des différences selon l'âge du mourant.
En effet, une personne âgée arrivera plus rapidement au stade de l'acceptation, car elle considère souvent que sa vie est faite, ses enfants élevés, et que sa mort prochaine est naturelle.
Il est évident que plus la personne sera jeune, moins elle acceptera l'injustice de sa mort.
La colère et la dépression seront très marqués ainsi que l'angoisse de laisser ses proches comme les jeunes enfants, par exemple.
En ce qui concerne la fin de vie d'un enfant, il est important de comprendre que sa compréhension vis-à-vis de la mort évolue avec son âge.
le concept de la mort chez l'enfant
de 3 à 6 ans
La mort est perçue comme étant temporaire et réversible, comme le sommeil ou une séparation (la personne est partie mais pourrait revenir).
L'enfant commence à appréhender la mort mais il pense que cela ne lui arrivera jamais, ni à ceux qu'il connaît et qu'il aime. L'amour de ses parents vient en effet le protéger, tout comme son amour protège ses proches.
Il croit en une mort réversible. Vie et mort ne sont donc pas opposées.
De 6 à 10 ans
L'enfant conçoit la mort comme étant irréversible mais pas universelle, il comprend ce qu'on lui dit de la mort et il peut en parler.
Elle est perçue comme normale pour les adultes, surtout les personnes âgées, mais pas nécessairement pour l'enfant ou ses proches.
Il apprend à gérer ses premières angoisses face à la mort. La mort des animaux, par exemple, est souvent un moment de confrontation forte avec cette réalité.
De 10 à 13 ans
À partir de neuf-dix ans, l'enfant développe une vision plus réaliste de la mort. Il comprend que toutes les fonctions s'arrêtent de façon permanente pour toutes les formes de vie.
Son esprit purement concret accède à la pensée abstraite, il commence à réfléchir sur le sens de la vie, et se pose des questions sur la mort, celle de ses parents, ainsi que la sienne.
NOTIONS LEGISLATIVES
La loi Leonetti vise à limiter l'acharnement thérapeutique. Elle repose sur une éthique fondée sur l'acceptation de la mort et exprimée par la formule « Laisser mourir sans faire mourir ». Elle confirme et codifie des pratiques existantes, comme l'absence d'obstination déraisonnable ou le droit au refus de soins. Elle permet également de prendre en compte les directives anticipées, par lesquelles une personne exprime à l'avance ses choix ultimes. La loi du 22 avril 2005 exclut toutefois explicitement le suicide assisté et l'interruption du processus vital des personnes en fin de vie.
Le droit au refus de soins
La loi du 9 juin 1999 avait déjà prévu que « la personne malade peut s'opposer à toute investigation ou thérapeutique ». Ce droit a encore été renforcé par la loi du 22 avril 2005.
Celle-ci prévoit notamment que « lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L.1110-10 ».
Lorsque la personne est incapable d’exprimer sa volonté (en raison d’un coma prolongé par exemple), c’est au médecin qu’il revient de prendre la décision d’arrêter le traitement. Il doit s’appuyer sur une procédure collégiale associant au moins un autre médecin sans relation hiérarchique avec lui, et agir en concertation avec l’équipe soignante.
Les directives anticipées de la personne, si elle en a exprimé, doivent être consultées, tout comme la personne de confiance. Le médecin doit également informer la famille.
L’absence d’obstination déraisonnable
La loi Léonetti exclut explicitement l’acharnement thérapeutique : « ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. »
Les directives anticipées
Depuis la loi du 22 avril 2005, il est possible à toute personne majeure et consciente de rédiger ses « directives anticipées ».
Il s’agit d’instructions écrites données par avance sur la conduite à tenir dans le cas où la personne serait incapable d’exprimer sa volonté.
Les directives anticipées sont prises en considération pour toutes les décisions concernant un patient hors d’état d’exprimer sa volonté et chez qui sont envisagés l’arrêt ou la limitation d’un traitement inutile ou disproportionné ou la prolongation artificielle de la vie.
Pour donner ses directives anticipées, il suffit d’indiquer par écrit ses nom et prénom, sa date et son lieu de naissance, et de stipuler ses souhaits. Le document doit être daté et signé.
Les directives anticipées sont valables trois ans.